Mégafeux au Chili : la faute aux monocultures de pins (Reporterre)

214

Depuis début février, le centre-sud du Chili fait face à des centaines d’incendies. En cause : les vagues de chaleur, la mégasécheresse et les monocultures de pins et eucalyptus.

430 000 hectares brûlés, 24 morts, plus de 3 000 blessés, 1 500 maisons détruites, plus de 6 000 personnes sans logement… C’est le bilan provisoire des incendies qui enflamment le centre-sud du Chili depuis début février. La superficie qui a brûlé dans trois régions chiliennes (Biobío, Ñuble, Araucania) dépasse déjà de moitié celle incendiée dans toute l’Union européenne en 2022. La France, l’Espagne, le Brésil ou encore les États-Unis ont envoyé des renforts matériels et humains. Malgré cette mobilisation internationale, plus de 80 feux sur 300 sont encore hors de contrôle.

La mégasécheresse que le Chili subit depuis treize ans et les vagues de chaleur qui traversent tout le pays depuis le début de l’été austral — de novembre à avril — sont pointées du doigt. Les effets du dérèglement climatique sont bien là, mais d’autres coupables expliquent la propagation vertigineuse de ces incendies.

L’industrie forestière aggrave les incendies

Pour les habitants des régions sous les flammes (Biobío, Ñuble et Araucania), il y a une sensation de déjà-vu. En 2017, ils avaient vécu les mêmes incendies dévastateurs, dont le bilan s’élevait à onze morts et 467 000 hectares brûlés.

Suite à ces premières tempêtes de feu, le Centre des sciences du climat et de la résilience (CR2) publiait, en 2020, un rapport recommandant déjà une régulation de l’industrie forestière : « Dans un scénario de changement climatique qui favorise l’augmentation de la fréquence, l’étendue et l’intensité des incendies, […] il est très important de générer des politiques visant à contrôler des espèces exotiques envahissantes [pins et eucalyptus principalement] et la restauration des écosystèmes indigènes pour réduire la probabilité d’événements catastrophiques. »

Le Chili compte plus de trois millions d’hectares de plantations de pins et d’eucalyptus en monoculture. Les conséquences environnementales de cette activité ont été largement documentées par la science. « Les conditions plus sèches et chaudes sont propices à la propagation d’incendies, car il y a moins d’humiditéexplique Alejandro Miranda, l’un des auteurs du rapport du CR2Les plantations forestières extensives qui génèrent des paysages homogènes ont un potentiel inflammable élevé. »

« Un manque de contrôle sur ces entreprises forestières »

Pour lui, « ceux qui contrôlent les plantations d’arbres en monoculture ont la responsabilité de prévenir, d’atténuer et de combattre les incendies ». Un point de vue partagé par Andrés Meza, vice-président de l’ONG Bosque Nativo : « [L’ONG] ne pointe pas nécessairement du doigt les espèces cultivées, mais les grandes déficiences dans la gestion de ces monocultures, dit-il à ReporterreLa majorité des plantations sont aux mains de deux grandes compagnies industrielles. »

Andrés Meza regrette « un manque de contrôle sur ces entreprises forestières. Cela permettrait à l’État de garantir une gestion soutenable de ces plantations, en prenant en compte les aspects économiques, sociaux et environnementaux ». L’ONG plaide ainsi pour un « changement de modèle de développement de l’industrie forestière ».

La régulation du secteur immobilier, soupçonné de profiter des incendies pour se développer, est également exigée par plusieurs ONG. Sur ce point, le gouvernement de Gabriel Boric a demandé aux parlementaires d’examiner en urgence un projet de loi visant à interdire la construction, pour au moins trente ans, sur des terrains incendiés. | Leer en Reporterre (publicación en fránces).